Plus de six mois après son écriture (et en trichant sur la date de publication dans ce blog), je m'offre la liberté de rendre publique un petit texte qui explique pourquoi je préfère ne pas participer à l'écriture d'un manifeste (ou tout autre texte programmatique) de la R.S.T.Ç. :
Notre
chère République Sans Tout Ça est née de la réflexion conjointe
d'un petit groupe de personnes rassemblées autour de l'envie de
créer ensemble, dans tous les domaines de l'expression. Une idée
sur laquelle nous nous sommes rapidement mis tous d'accord fut posée
dans l'article premier de la constitution, commun à chaque
occurrence de la R.S.T.Ç. :
« Toute
loi peut être proposée, modifiée ou abrogée à tout moment par
négociation et consensus entre toutes les personnes présentes sur
le territoire de la République Sans Tout Ça au moment de cette
prise de décision. Le présent article est le seul qui restera
immuable à chaque occurrence de la R.S.T.Ç. Quel que soit le lieu
et la durée d'apparition de la République. Tous les articles qui
suivent ne sont que des propositions à faire approuver à chaque
apparition de la R.S.T.Ç. »
On
y ajoute souvent l'idée que «Sera Santoussien toute
personne qui le désire et le déclare ».
Cet article
constitutionnel fondateur, immuable dans son esprit, est pour moi la
seule déclaration d'intention générale valable pour la R.S.T.Ç.
Tout le reste est à définir pour chaque occurrence de celle-ci, en
fonction du contexte et des personnes qui la font naître. Il est
cependant bien entendu légitime pour cela de s'inspirer des
réflexions antérieures qui ont été menées lors de ses
apparitions précédente, ainsi que de tout apport extérieur ou
antérieur.
Je défendrais
l'appellation « Sans Tout Ça » plutôt que « Avec
Autre Chose » (ou toute autre variante), parce que cet autre
chose ne manquera pas de naître dès le moment ou on décide d'être
sans tout ça. Dès lors qu'on pose l'absence d'une structure de
pouvoir hiérarchisé, d'échanges commerciaux monétarisés, etc.
dans l'espace occupé par un collectif, il faudra bien que se mette
en place un mode de fonctionnement, de vie, d'organisation (aussi
informelle qu'elle puisse être). À plus forte raison si on désire
y créer collectivement, ce qui a toujours été le cas jusqu'ici et
ne devrait pas manquer de l'être à l'avenir sans qu'il soit
nécessaire de l'instituer en règle.
Il est donc
inutile de définir cet « Autre Chose » et même de le
nommer, puisque le principe de base implique une totale dépendance
de la structure qui naîtra en même temps qu'une nouvelle R.S.T.Ç.
au lieu et aux personnes qui la font naître et la vivent.
Je ne vois pas ce
principe comme une « Tabula Rasa » à proprement parler,
puisqu'il n'est pas question de nier des influences et prolongations
de réflexions posées antérieurement. La R.S.T.Ç. S'inspire
ouvertement de mouvements artistiques, utopiques et politiques
antérieurs, et poursuit une réflexion sur toutes les composantes de
la vie et de « l'être-ensemble ».
Un manifeste, une
déclaration d'intention ou tout autre document de ce genre me semble
comporter un risque de diviser plutôt que de rassembler et d'en
entrainer certains à ne plus se considérer comme Santoussien
puisqu'ils ne peuvent adhérer à tel ou tel point du programme. Il
ne suffit pas d'offrir à chacun la possibilité de compléter le
manifeste pour nuancer ou s'opposer à une idée qui y a été posée
précédemment : je vois mal comment on pourrait encore considérer
comme programmatique un texte aussi ambigu et contradictoire.
Peut-être
pourrais-je adhérer à un tel texte s'il était imprimé « au
crayon » (c'est-à-dire avec une encre qu'on puisse gommer,
technique qui reste encore à inventer). Mais même dans ce cas, ma
première performance serait d'effacer intégralement mon
exemplaire...
Je ne souhaite
certainement pas nier, bien au contraire, que la R.S.T.Ç. est le
lieu idéal pour voir jaillir les échanges d'idées, des
positionnements collectifs ou individuels sur celles-ci, des
propositions d'organisation sociale, de mode de vie ou de tout le
reste, ni les productions qui en découlent. Il faut au contraire en
favoriser au maximum le jaillissement, sans le canaliser ni en
prédéfinir la direction. L'idée que je me fais de la R.S.T.Ç.
m'empêche d'en établir le programme ou même une note d'intention.
Je ne pense pas
non plus que d'établir un écrit, même radicalement collectif,
puisse nous prémunir contre les prises de pouvoir à l'influence et
au charisme. Les différentes parties de ce texte seront elles aussi
tributaires de la puissance rhétorique de leurs écrivains
respectifs. Il importera donc de trouver d'autres stratagèmes pour
désamorcer ce danger.
Si un manifeste
devait malgré tout être rédigé, cela ne m'empêchera pas de
continuer à me considérer comme Santoussien. Je ne doute d'ailleurs
pas que la plupart des idées qui y seraient développées
rencontreraient mon approbation. Mais je ne le considèrerai jamais
comme un programme, simplement comme une des production collective
émanant d'un groupe de Santoussiens, une parmi tant d'autres. Juste
une proposition de plus...
Cher Gil,
RépondreSupprimerle Manifeste à Remplir ne se veut pas programmatique, puisqu'il est "à remplir".
Par contre je ne suis pas sûr qu'on puisse en dire autant de ce message (qui est "tributaire de la puissance rhétorique de son écrivain"... comme tout écrit).
Et tu as raison de dire que le Manifeste à Remplir est "une production collective émanent d'un groupe de Santoussiens... juste une proposition de plus". À vrai dire, personne n'a jamais affirmer le contraire... si ce n'est toi.
Pour utiliser des termes Deleuziens, mon espoir en créant et diffusant le Manifeste à Remplir était de "faire rhizome"... Et je sens ici qu'il se heurte à une "segmentarité dure".
J'espère néanmoins que d'autres propositions dans le futur sauront rencontrer ton approbation mieux que celle-ci. Je m'y appliquerai car malgré tout tu es un grand ami et un magnifique collaborateur.
Et il n'y a pas de raisons que nos divergences d'idées ne soient pas toutes aussi nourrissantes que nos convergences... Peut-être même plus !
Bien à toi,
Antoine.